Temps de jeu:
361 minutes
On parle souvent de X Rebirth comme d’un échec. Un projet trop ambitieux, mal lancé, mal reçu. Et c’est vrai que sa sortie, en 2013, a laissé des traces : bugs omniprésents, IA erratique, interface confuse, mécaniques incomplètes. Mais juger Rebirth uniquement à l’aune de son lancement, c’est passer à côté d’un jeu qui, avec le recul, incarne une tentative rare de réinventer le space opera à la première personne, dans un univers entièrement dynamique.
X Rebirth n’est pas une suite directe de X3. C’est une réécriture. Un soft reboot. Nouveau moteur, nouvelle approche, nouvelle philosophie. Exit la liberté immédiate de piloter tout type de vaisseau : ici, vous êtes à bord du Skunk, un cargo unique que vous allez moduler, améliorer, personnaliser… et dans lequel vous allez passer des dizaines d’heures. Ce choix, radical, a été violemment critiqué à l’époque. Pourtant, il offre quelque chose d’inédit : une sensation de pilotage incarné, proche du cockpit de Battlestar Galactica ou Firefly. On vit vraiment à bord. On y reçoit les transmissions, les rapports, les alertes. On y embarque des copilotes. On s’y attache.
La direction artistique mérite d’être saluée. Stations monumentales, architecture industrielle alien, trafic constant dans les couloirs spatiaux, reflets sur la verrière du cockpit : tout respire la science-fiction « lourde », fonctionnelle, dense. Ce n’est pas une beauté propre et glacée à la Star Citizen mais une esthétique rouillée, vivante, crédible, plus proche de The Expanse. Et en 2025, après toutes les mises à jour, le jeu reste étonnamment beau, stable, et fluide sur une machine moderne.
Sur le plan de la simulation, Rebirth a toujours été ambitieux : économie dynamique, factions indépendantes, commerce libre, batailles à grande échelle. Le problème, à sa sortie, c’est que la moitié ne fonctionnait pas. Aujourd’hui, grâce aux patchs, au DLC The Teladi Outpost, à Home of Light, puis à The Expansion Pack, les systèmes sont réparés et exploitables. Vous pouvez construire vos stations, automatiser vos routes commerciales, recruter des équipages, installer des tourelles, concevoir votre propre flotte. C’est plus rigide que dans X4, certes. Moins modulaire. Mais ça fonctionne. Et surtout, l’immersion est intacte.
Le gameplay intérieur – marcher dans les stations, parler aux PNJ, recruter un pilote ou un ingénieur est l’un des éléments les plus polarisants. À l’époque, c’était vide, lent, mal doublé. Aujourd’hui encore, ces séquences manquent de densité, mais elles restent une belle tentative de “mettre un visage sur le monde”. On peut regretter leur exécution, mais pas leur intention.
X Rebirth reste un jeu systémique, mais plus guidé que ses prédécesseurs. La campagne principale (plutôt oubliable dans son écriture) sert surtout de long tutoriel. Le vrai plaisir vient du free roam, comme toujours chez Egosoft : explorer, commercer, construire, modifier l’univers en silence, sans cinématique, sans générique. C’est un jeu où l’on apprend plus dans l’ombre que dans la lumière. Et c’est ce qui le rend passionnant pour les amateurs de sandbox spatiaux.
Il faut accepter ses défauts : interface peu intuitive, ergonomie parfois rigide, mécaniques plus rigides que dans X3 ou X4, impossibilité de piloter plusieurs vaisseaux (hors modding), et dialogues très inégaux. Mais il faut aussi reconnaître ce qu’il a été : un laboratoire de design. Sans Rebirth, X4: Foundations n’existerait pas tel qu’il est. C’est ici qu’Egosoft a testé les cockpits en vue FPS, les intérieurs de stations, le moteur Vulkan, la navigation modulaire, et la transition sans chargement entre espace et structures.
Et pour le joueur qui sait lire entre les lignes, Rebirth est un objet fascinant. Moins abouti, oui. Moins libre, oui. Mais plus dense, plus immersif, et par moments… plus audacieux.
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