Temps de jeu:
3608 minutes
Je ne sais pas trop que dire qui n’ait déjà été apporté par d’autres plus talentueuses et talentueux rédacteurs que je ne peux l’être. Pour résumer l’histoire brièvement, le joueur incarne James Sunderland dont on sait peu de chose, sans doute la trentaine, américain, je ne sais quelle profession le fait vivre. Il vient à Silent Hill, ville perdue et dépeuplée d’humains depuis les années 1970 semble-t-il, étouffée dans un brouillard provenant, semble-t-il, d’une mine de charbon qui connaît un incendie perpétuel. Pourquoi cette destination ? James a reçu une lettre de sa femme, Mary, lui demandant de le rejoindre dans leur « Endroit Spécial ». Plusieurs problèmes ici, le premier étant de taille : Mary est décédée trois ans auparavant d’une maladie, une leucémie peut-être. Mais s’il n’est pas précisé, son mal est avant-tout symbolique d’un couple malheureux. Second problème, est que James ne connaît pas vraiment Silent Hill, il semble avoir des bribes de souvenirs momentanés autant qu’il semble ne jamais y avoir mis les pieds, donc, comme dans un rêve, il semble plus suivre des intuitions posées comme des évidences, que de véritables pistes qui viendraient de souvenirs solides. Troisième difficulté à laquelle James va devoir faire face, c’est la présence des monstres qui peuplent désormais la ville, et dont chaque espèce va aussi avoir sa part de symbolique possible à interpréter. Ils vont lui rappeler peut-être la mort de sa femme et son deuil, la maladie, la sexualité et possiblement l’adultère, l’impuissance face à la situation et sa culpabilité car très tôt on comprend qu’il est aussi en fuite, la colère face aux promesses qui ont pu lui être faite, le ressassement, les frustrations, le grouillement d’idées noires qui le submergent, ou encore le désespoir et la mélancolie la plus totale. Dernière véritable contrainte pour James, c’est qu’il ne pourra pas tout à fait compter sur les autres personnages humains qu’il va croiser. Peu nombreux, ils sont eux aussi égarés à Silent Hill, c’est d’abord le personnage d’Angela que l’on croisera qui est à la recherche de sa mère, puis de Laura une enfant orpheline très… espiègle dira-t-on et qui hait d’abord James sans que l’on en sache la motivation. Le troisième personnage sera Eddie qui semble en fuite face à des persécutions, et enfin Maria, le portrait craché de Mary (dont le nom manque absolument de subtilité il faut le reconnaître) mais dans une allure sexualisée et qui va voir toutes ses avances rejetées par James. Si tôt ou tard, les scénarios de ces PNJ sont développés, ils ont en commun d’être dans une vision de Silent Hill qui n’appartient qu’à eux. Il est difficile pour moi de ne pas considérer alors que cette ville est une allégorie des limbes, où les pensées et croyances de chacun de ces protagonistes se percutent.
Ce qui est tout à fait remarquable dans tout cela, c’est cette mise en scène absolument fascinante du décor entier du jeu qui, elle aussi, contribue entièrement à sa narration. L’affaire est bien connue, pour le premier Silent Hill sorti en 1999, la vieille PlayStation 1, bien en peine d’afficher des grandes zones sur un jeu moyennement optimisé avait été soulagée par la mise en place d’un brouillard pour cacher les défauts mais surtout qui, coup de génie, avait alors était justifié de manière crédible dans la diégèse. Dans ce remake, malgré les progrès techniques, il est bien entendu hors de question de se départir de cette pesanteur visuelle permanente en extérieur qui fait désormais pleinement l’identité de la ville. Autre aspect intriguant, la sensation de faire de l’urbex et donc, d’entrer dans des espaces sans vie, qui semblent avoir été abandonnés précipitamment il y a des décennies -Silent Hill 2 se déroulant à la fin des années 1990-, qui impliquent par défaut une certaine inquiétante étrangeté. Clairement, les visites de la ville et de ses bâtiments, même sans ennemis, montrent un niveau assez extraordinaire de level design et pourrait à elles-seules déjà faire l’objet d’un excellent jeu. Dans sa construction, SH2r est pourtant bien un couloir, plus ou moins étroit, qui fera alterner les phases dans les rues et dans les bâtiments, sachant qu’une bonne partie des endroits visités se transformeront dans une version cauchemardesque où les murs se décrépissent, les ferrailles et morceaux de métallurgies rouillées sont bien saillants et cohabitent avec le moisi, le calciné, le pourri, le fissuré, le troué, le détrempé, le délabré… Les ennemis sont alors plus nombreux et vicieux et même si au final, ils sont en nombre relativement limité (5 véritables types différents dirais-je), leurs capacités respectives sont particulièrement bien exploitées. À tout ceci l’on peut rajouter les scènes cinématiques très étranges qui viennent alimenter notre exploration de l’ensemble. Je pense que cerains se sont trompés pour le coup en estimant que les scènes étaient mal jouées. Il y a clairement de très bons acteurs pour doubler les personnages, et le moteur du jeu est tout à fait capable de faire des animations faciales assez fines pour des visages eux-mêmes très détaillés et qui ne sont pas robotiques (certes, ce n’est pas du niveau d’un RE-Engine, mais l’Unreal 5 est déjà très bien employé). Non, c’est un véritable choix que de faire peser cette sorte de langueur dans les dialogues, cet onirisme qui passe par des lignes laconiques, à la fois claires mais à double-sens ou alors parfaitement mystérieuses, qui soulignent cette relation incommodante des personnages entre eux, à la fois dans un relatif désir de rapprochement et une évidente retenue voire méfiance, une mise à distance des uns avec les autres. C’est un peu comme dans ces rêves où les choses les plus obscures deviennent évidentes à réaliser ou à dire, les personnages semblent à la fois conscients de cette situation tout en ne pouvant pas appeler à l’aide. Si, en tant que joueur, sortir de la ville qui est un enfer semblerait la priorité, pourquoi cette solution n’est mentionnée qu’à une ou deux reprises dans tout le jeu ? Sans doute parce que le but n’est pas d’en ressortir tant que … Aussi, on se retrouve à la fois du familier mais aussi de l’inconnu : on reconnaît les traces et les codes de la vie des habitants qui ont déserté l’endroit mais le fait est que les questionnements sur les ambitions de tous les personnages ne seront jamais véritablement explicitées. Tout au plus la narration finira par réduire le champ des interprétations possible, mais tous les tenants et aboutissants resteront à notre charge.
Et c’est ainsi que SH2r insuffle, comme son aîné, l’angoisse et la peur, quasi constamment. Tout d’abord, pour y avoir joué au casque, ce fut magistral. Je n’ai aucun autre jeu en tête qui ne lui arrive à la cheville de par son ambiance sonore, que ce soit pour les musiques instrumentales d’Akira Yamaoka qui est de retour, ou celles qui s’apparentent à de la quasi-Noise. Si pour les musiques on retrouve des reprises des morceaux originaux et quelques nouveautés tout aussi incroyables, les bruitages sont eux-aussi d’une finesse et d’une précision remarquables, et s’harmonisent avec cette première en bruits de pas, des claquements, des tapements, des murmures... rappelant un danger perpétuel. Il y aussi cette célèbre radio qui grésille à l’approche d’un ennemi et qui accompagne la lampe qui tremblotte en le ciblant, mais ce qui m’a le plus marqué sont sans doute les quelques fois (5 ou 6 sans doute) qu’un soupir, probablement féminin, fut audible au milieu de l’exploration, sans que rien dans le contexte n’invite à comprendre ce dont il s’agit, seules les quelques actions réalisées avant et après, suggèrent souvent qu’il s’agisse de Mary
La critique entière ici: https://www.senscritique.com/jeuvideo/silent_hill_2/critique/317299647
Mes autres critiques: https://www.senscritique.com/Altie-/critiques
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