Temps de jeu:
1193 minutes
Au moment où j'ai aplati mon curseur sur le gros bouton vert "acheter", je savais que je venais de foutre en l'air 90 centimes. J'étais alors en train de commettre l'un de ces suicides de la vie quotidienne, l'un de ces achats compulsifs motivés par une grosse étiquette - 50% attachée à un jean tout moche "mais avec mon pull tout moche acheté ici l'an dernier ils iront bien ensemble". Chacun sa façon de se détruire ; il y a les fumeurs, les alcooliques, ceux qui s'aventurent dans les femmes (ou dans les hommes) sans bouclier ; il y a les parieurs sportifs au nez rouge et à la poche vide vissés dans leur PMU, les masochistes en tous genres et les abonnés à la salle d'art et d'essai. Chacun fait comme il veut. Moi, j'achète Orion : Prelude. Plus qu'un simple clic, c'est un élan, un geste en hommage au souvenir de ces instants où, ado, je plongeais mes mains dans les bacs où s'entassent les jeux indésirables à 5 euros pour en arracher fièrement un Boewulf ou une Boussole d'or. Impatient de renouer avec les périodes les plus sombres de mon Histoire, je lance et je découvre Orion. Bah mince alors, j'ai acheté un bon jeu.
Celle-là, je l'avais vraiment pas vue venir. C'est qu'il est pas mal, ce Prelude. Techniquement, pour commencer. Sans être un foudre de guerre, sa palette de couleurs est assez bien choisie, ses environnements sont assez vastes, ses montagnes sont assez hautes pour faire illusion. Un visuel propre d'un honorable niveau PS360 passé à la lisseuse du 1080p. Quand on connaît l'exécrable réputation du bousin, on tient déjà une bonne première surprise. Il faut dire que les développeurs n'ont pas abandonné leur bébé et ont ressuscité ce qui, au premier jour, était une vilaine fausse couche voire un mauvais diagnostic débouchant sur une diarrhée surprise. Au lieu de lâchement fuir pour aller dorer leurs corps de traîtres au soleil avec l'argent récolté - comme ça s'est déjà vu chez un autre jeu de dinosaures - ou de repartir à zéro pour échapper à la mauvaise presse, ils ont travaillé pour rectifier le tir et ne pas abandonner leurs joueurs. Le résultat de cette transformation commence par un jeu stable qui ne va pas (plus) vous faire péter la tour PC à la gueule. Les musiques sont génériques mais ne dénotent pas. Enfin, le jeu a le bon goût d'être intégralement compatible avec la manette - couplé à un gameplay peu exigeant, on tient le cocktail idéal pour alimenter votre steam machine. A un détail près : sans manette, pas de curseur. Faute de quoi on ne peut pas accéder à certaines descriptions qui seraient bien pratiques lors des premières parties.
Le coeur du jeu, lui, mélange des concepts venus d'ici et d'ailleurs avec un gameplay très classique, austère diront certains. Le mode de jeu principal est une survie par vagues en coopération à 5 joueurs. Une sorte de Killing Floor grossier sans les sensations de tir, avec beaucoup moins de finesse, en plus rapide et plus bordélique. Vague après vague, meurtre après meurtre on accumule de l'argent pour améliorer son arsenal et son équipement. On pourra même aller dans un deuxième magasin pour acheter des upgrades de personnage ou, mieux encore, dans un troisième pour se payer (ou ramasser) des véhicules. Cela va du warthog à trois places jusqu'au robot bipède à la Lost Planet ou au véhicule aérien lance-missiles façon fin de partie de Saints Row 3. C'est là qu'on touche du doigt tout le génie d'Orion. Des gros véhicules, des collisions parfois folles, un immense capharnaüm avec des déplacements, une IA et un gameplay d'une saveur arcade. Basique, torché par-dessus la jambe diront les uns. Jouissif diront les autres. Orion : Prelude est un jeu à réserver à ceux qui se réjouissent d'humour et jouissent d'amour sur les campagnes en multijoueur d'un Serious Sam. Ceux qui aiment les gros flingues et les gros monstres, l'amusement à son niveau le plus primaire. Orion n'a rien d'un grand titre mais il est l'un de ces jeux carrés, suffisamment bien réalisé pour alimenter cette catégorie très particulière du FPS nobrain. Certaines parties procurent de vrais instants de bravoure lorsqu'on gravite avec son jetpack autour d'un spinosaure pour s'approcher de sa tête par la hauteur et lui envoyer à bout quasi-portant des balles de plomb comme on lui enverrait des cachets d'aspirine.
Il existe de nombreux autres modes de jeu dans Orion (une quinzaine !) et si les serveurs ne sont pas assez désertés pour nous priver de jouer facilement aux plus populaires d'entre eux, il sera délicat de profiter pleinement du jeu sans un groupe de copains sous la main. Mais avec un prix d'appel ridicule et un 4-pack à 3 euros hors-soldes, Orion : Prelude tient ce qui est finalement son meilleur atout, un argument assez fort pour qu'on lui pardonne tous ses défauts, de son manque de profondeur à son archaïsme : son prix dérisoire fait de lui un presque free-to-play et vous ne devriez avoir aucun mal à recruter assez de couillus et de couillons de votre liste d'amis (deux qualités nécessaires à l'achat et, pire, à l'appréciation d'un tel jeu).
Il suffit de s'arrêter une seconde et de faire une rotation complète pour admirer le spectacle d'Orion : à droite, un char d'assaut se fait charger par un triceratops. Sèchement éjecté hors de sa coquille, le genou au sol, son ancien conducteur essaie d'achever une petite bestiole pour revenir à la vie avant la fin de son agonie. Le gros tank, lui, a été projeté si loin qu'il n'est même plus visible. A gauche, un humain décoche une flèche droit dans l'oeil d'un stégosaure avec son arc moderne tel un Turok du futur. Autour de nous, des dinosaures du plus petit au plus grand qui arrivent depuis toutes les directions. Un peu plus haut, des co-équipiers et des ptérodactyles qui gigottent dans les airs. L'un d'entre eux vient de jeter une grenade pour exploser un petit groupe de raptors qui vagabondait une dizaine de mètres en-dessous de lui. Les plaines d'Orion sont un royaume de foutoir dans lequel on se défoule avec un gameplay finalement très sage, pas si dynamique que son concept. La juste alchimie pour séduire le public des First et Second Encounter. Et puis voir un T-rex arracher un rocher avec sa gueule pour le jeter sur un hélicoptère, ça n'a pas de prix. Si vous en avez marre de mettre à mort des gobelins, des zombies et des nazis, si vous en avez marre de botter les culs des tyrans, vous pouvez toujours essayer le steak de tyrannosaure.
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