Temps de jeu:
4328 minutes
Alors là, on ne peut pas faire mieux. Déjà que l’opus de 2018 avait frappé fort, celui-ci est tout simplement incroyable.
On côtoie ici énormément la question du déterminisme et du libre arbitre, toujours teintée d’une masculinité riche et complexe. Il ne s’agit plus simplement d’une méthode d’enseignement ou d’éducation, mais bien d’une relation entre un fils adolescent en quête d’identité et un père qui tente de guider sans écraser.
Comme dans l’opus précédent, la confrontation aux émotions enfouies et non exprimées reste au cœur du récit. Mais cette fois, Kratos est un homme conscient d’avoir un pied dans la tombe, vivant ses derniers instants avec une lucidité douloureuse. Nous assistons à une fin programmée pour le Dieu de la guerre, mais aussi à la naissance de celui de l’espoir, un passage symbolique puissant.
Je pourrais écrire vingt pages pour décortiquer la richesse symbolique et la subtilité de certaines scènes, tant elles frappent par leur intensité émotionnelle et leur profondeur.
L’intrigue est riche en rebondissements et nous tient constamment en haleine, sans jamais nous laisser deviner la conclusion. Le scénario est brillant, la bande-son magnifique, et les graphismes époustouflants. Même les transitions sont folles !
Ce jeu n’est pas seulement un spectacle visuel ou une aventure épique, c’est une méditation sur la puissance : celle du muscle, certes, mais surtout celle du cœur. Il célèbre l’amour, la compassion, la tolérance, et surtout l’acceptation de soi et des autres. Plus qu’une simple histoire, il nous raconte que nous ne sommes pas ce que nous sommes par l'innéisme, mais par les choix que nous faisons.
On y voit un adolescent désireux d’apprendre par lui-même, de commettre ses propres erreurs, et un père qui tente de le laisser tomber du nid sans qu’il ne se brise trop. Cette relation, faite de désir d’autonomie et de peur de la souffrance, reflète profondément le passé de Kratos. Lui, qui a connu la cruauté et la douleur, tente désormais de limiter l’élan de son fils face à un monde divin impitoyable. Jusqu’à en chercher la frontière du respect.
De plus, la question ontologique de savoir quand est-ce qu'on meurt, et si elle va changer le cours de nos actions, est une réalité terrible au centre de l’intrigue du jeu que je ne peux pas trop développer, car la possibilité de divulgâcher les nombreuses intrigues du jeu est trop grande. Disons simplement qu’elle ajoute une tension dramatique constante et puissante, un poids existentiel qui pèse sur chaque décision, chaque interaction. Cette conscience aiguë de la fin imminente colore non seulement les actes de Kratos, mais aussi la dynamique complexe qu’il entretient avec Atreus, qui grandit dans l’ombre de ce destin inéluctable. Les leçons du père (2018) finissent par raisonner le père même... incroyable.
Le jeu questionne ainsi subtilement si la connaissance de sa propre mortalité libère ou emprisonne. Est-ce que le fait de savoir que notre temps est compté nous pousse à agir avec plus de liberté, ou au contraire nous enferme-t-il dans un chemin tracé, dicté par la peur et la précipitation ?
Et en plus, il y a un DLC gratuit, type roguelike, vraiment intéressant qui vaut le détour et qui rajoute une vraie dimension et une continuité à l'évolution de ce célèbre Kratos, une forme d'introspection mystique, et encore une fois je n'en dis pas plus.
Bref, God of War Ragnarok dépasse le simple récit d’aventure ou de combat mythologique pour devenir une profonde réflexion sur le sens de l’existence, sur la capacité à se réinventer face à un passé lourd, et surtout sur l’espoir indéfectible porté par la nouvelle génération. Cette œuvre magistrale nous invite à contempler ce fragile équilibre entre ce qui semble écrit et ce que l’on choisit de devenir. Ce qui rendait (2018) très bon, s'est perfectionner pour donner une dimension encore plus élaborée de l'amour et la fierté silencieuse d'un père.
Ce jeu réussit à conjuguer narration, gameplay et émotion d’une manière rare, touchant au sublime. Ils sont rares, mais lui le mérite pleinement.
10/10
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