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5121 minutes
Satisfactory : L’Apologie du Progrès (et du Désastre Écologique)
Bienvenue dans Satisfactory, le jeu où l’on débarque sur une planète vierge et magnifique avec une mission sacrée : la transformer en cauchemar industriel plus vite qu’un actionnaire chez Amazon. Au début, on se sent presque coupable en coupant le premier arbre à la tronçonneuse, en explosant une roche majestueuse ou en bétonnant une prairie luxuriante… Puis très vite, la culpabilité cède la place à l’optimisation.
Les forêts ? Trop denses, elles gênent la visibilité. On rase.
Les animaux ? Agressifs, imprévisibles. On neutralise.
Les montagnes ? Des obstacles à nos convoyeurs. On contourne… ou on perce avec des pylônes.
Les ressources naturelles ? Un don du ciel… à surexploiter sans la moindre pitié.
Et puis, tout s’accélère…
Au début, on s’organise avec soin : une petite base éco-friendly, un extracteur de minerai qui tourne tranquillement, quelques convoyeurs propres et bien alignés. On prend le temps d’admirer le paysage, de s’émerveiller devant le coucher de soleil sur la savane extraterrestre…
Mais rapidement, le besoin de plus se fait sentir. Pourquoi se contenter de 30 plaques de fer par minute quand on peut en produire 3000 ? Pourquoi marcher quand on peut construire un train à charbon qui pollue plus qu’un cargo chinois en pleine crise du transport maritime ? Pourquoi préserver une vallée entière quand elle peut accueillir un complexe de raffineries crachant des fumées toxiques ?
Et c’est là que commence la spirale infernale. Les heures défilent sans qu’on s’en rende compte. On commence à 14h, on jette un œil à l’horloge, et il est… 3h du matin. Trois heures du matin, et on n’a toujours pas réglé ce foutu embouteillage de convoyeurs ! On oublie de manger, on oublie de dormir, on oublie même pourquoi on a lancé le jeu. On n’existe plus que pour la machine.
On cherche l’efficacité maximale, on calcule les ratios, on aligne les convoyeurs comme un ingénieur sous amphétamines. La nature devient un concept vague, un vieux souvenir caché sous une forêt d’usines aux reflets métalliques. Tout ce qui importe, c’est que les chaînes de production tournent sans accroc, que la cadence soit parfaite, que chaque ressource soit exploitée avec une précision diabolique.
Une fierté paradoxale
Et le pire dans tout ça ? C’est qu’on est fier. Fier de cette usine monstrueuse qui avale la planète et la recrache en barres d’acier. Fier de ces infrastructures démesurées, de ces kilomètres de convoyeurs automatisés, de ces trains qui sillonnent un territoire jadis sauvage, aujourd’hui entièrement réorganisé selon notre vision du progrès.
On s’arrête un instant, on regarde le monde qu’on a façonné… et on sourit. Un sourire teinté d’admiration pour notre propre œuvre, mais aussi, parfois, d’une pointe d’inquiétude. Jusqu’où irons-nous ?
Parce qu’après tout, Satisfactory, ce n’est pas qu’un jeu de gestion. C’est une satire involontaire du modèle économique qui nous gouverne déjà. Une planète pillée sans réfléchir, une quête de croissance infinie, une glorification de l’efficacité au mépris de l’environnement… Ce n’est pas qu’un jeu. C’est un miroir.
Et nous ? Nous sommes là, à construire, optimiser, broyer, consommer… Jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien à exploiter.
Mais bon, on réglera ça après. Pour l’instant, il faut encore augmenter la production de plaque de métal. Le progrès n’attend pas.
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