Temps de jeu:
356 minutes
Si on devait - si on pouvait - reprocher quelque chose à Nihilumbra, c'est qu'il est trop court. Et même ça, c'est sujet à caution : tout dépend de ton niveau, lecteur.
Généralement la première phrase est un avertissement déguisé. Ici, ce n'est pas le cas, même avec la pire mauvaise foi du monde. Nihilumbra est tout sauf court... Enfin, ça va dépendre.
Passons aux choses sérieuses, donc.
Nihilumbra est un package comme on en voit bien peu, que ce soit en AAA ou en indé. D'abord, sache-le, ô lecteur, c'est un port d'un jeu iOS. Et il est foutrement bien porté. Pas d'arnaque à l'horizon : la transition est sans faille ou presque. Presque ? Presque. (L'art d'aligner trois fois le même mot sans avoir l'air d'y toucher, c'est un art. Bwaha.) Il y a eu un oubli, relativement malheureux au niveau du tutoriel : on peut changer de couleur avec les touches numérotées. Voilà. C'est tout. C'est le seul défaut du port.
Non, je n'excuse rien. C'est VRAIMENT le seul foirage apporté par la transition vers le bureau.
C'est déjà de bon augure, non ? Je veux dire... Comparé à la version iOS, voici ce qui compose la version PC :
* Le même jeu
* Des contrôles adaptés, réactifs, doublés (flèches ou ZQSD), avec trois méthodes de changement de couleur (roulette de la souris, tab et les touches numérotées)
* Des textures HD
* Une bande-son remasterisée
* Un narrateur
Et chacun de ces points - CHACUN - a été léché au point d'en être baveux. Et oui, c'est un compliment. On va en parler, mais avant cela...
Nihilumbra est un oxymore. C'est le jeu le plus touchant et le plus macabre que j'aie vu sur le marché. Le plus jovial et le plus triste. Ça fait beaucoup de superlatifs, mais il faut bien se mettre en tête qu'il réussit là où Braid se casse lamentablement la gueule, là où Fez fait piètre figure et là où Limbo ressemble à une coquille vide.
Il n'y a pas de pseudo-intellectualisme dans Nihilumbra. Il n'y a que l'histoire de Born/Né (qu'on appellera Né à partir d'ici, juste pour te faire chier, lecteur :)), ce fragment (né) du Néant qui décide qu'il en faut davantage que rien pour exister, et de son voyage intérieur et physique. La beauté de Nihilumbra réside dans sa simplicité : le jeu ne te carre pas des pseudo-questions pseudo-existentielles dans la face à la truelle, ne te demande pas de te poser des questions sur le rapport de la nature humaine aux notions divines ou autres, bref : le jeu ne te prend pas pour un con.
Par contre, il te prend par la main et l'appareil reproductif en même temps que les tripes, et te pousse vers l'avant, parfois doucement, parfois plus brutalement, vers une conclusion que tu verras peut-être venir, mais qui n'en amènera pas moins une profonde satisfaction, quel que soit ton niveau de jeu.
Qu'est-ce à dire ? Nihilumbra, quelque part, c'est deux jeux. Il y a d'abord le jeu de base, où l'on suit Né pas à pas, où l'on apprend les rouages du jeu, mais aussi et surtout où l'on profite du paysage et de la narration.
Il faut dire deux choses à ce propos. La bande-son est une pure merveille. Entêtante, envoûtante, elle se fait tour à tour mélancolique, gaie, stressante, et met toujours en valeur le jeu et ses moments. Il est pratiquement impossible d'y trouver la moindre faille tant elle fait partie intégrante de l'expérience.
Et le narrateur est... Hastur, c'est difficile de trouver un compliment suffisant. Il existe. Il est. Plus qu'une voix désincarnée, il est un personnage à part entière, le pendant qu'on n'aurait pas cru nécessaire au protagoniste silencieux qu'est Né. Il n'apparaît pas à ma connaissance sur la version iOS, et à lui seul, il fait d'elle une version tellement inférieure que je ne l'approcherais pas avec un bâton et une combi hazmat. L'acteur est diablement bon, le jeu est terriblement juste, et il parvient - chose rare - à mélanger les éléments de narration et d'explications avec un brio tout à son honneur.
D'un point de vue graphique, il n'y a pas grand-chose à redire à Nihilumbra non plus. C'est beau, c'est simple, c'est lisible. On pourrait éventuellement émettre une petite réserve au sujet de l'intégration et du découpage de certains éléments, mais il faut déjà bien s'esquinter les yeux ou vouloir détester le jeu pour y prêter la moindre attention. Eût-il été développé directement pour le bureau, je ne suis pas certain que j'aurais pu y trouver à redire, a fortiori au vu du prix.
Mais il y a un mais. Nihilumbra, comme je le disais plus haut, c'est deux jeux. Le premier, on vient d'en parler. Le second prend place après les inévitables credits du jeu. Et c'est là que je ne puis me prononcer décemment. Je n'ai jamais vu, donc, la "véritable" fin de Nihilumbra, mais ce n'est heureusement pas une nécessité.
Pourquoi ? Oh, ce n'est pas que je ne veuille pas. C'est juste que, soudainement, le jeu décide que le tutoriel est fini et que la difficulté est de type godlike à gode à clous. Le mode Vide est une véritable horreur à mes yeux. J'aime le challenge, mais je n'apprécie de mourir à la chaîne que dans les rogue-like. Et très franchement, mon espérance de vie est proportionnellement supérieure dans Stone Soup. NETTEMENT supérieure. Nihilumbra devient un jeu punitif, sadique, et - hélas - compliqué.
Hélas parce que, si cela s'était limité à cette dernière partie, j'aurais pris mon pied, je me serais acharné, et je l'aurais terminé. Je veux dire, je me tape déjà les DROD depuis King Dugan's Dungeon, alors un peu plus ou un peu moins, hein...
Mais il demande aussi des réflexes monstrueux, en plus d'une saine réflexion. Et là, je dois bien m'avouer vaincu.
Je n'en tiendrai pas rigueur au jeu ; je veux dire : c'était clairement marqué sur la boîte qu'il fallait des réflexes en plus d'un cerveau. Mais là, c'est trop pour moi.
Ça ne me gêne pas. L'expérience de base m'a plus qu'amplement suffi. J'attrape toujours la chair de poule en entendant le narrateur quand je relance le jeu. J'ai encore en tête le voyage de Né. Le jeu me suivra encore très longtemps. C'est tout ce qui importe.
Et pour ce type de souvenirs, même avec une durée de vie d'environ trois heures pour qui n'est pas à la hauteur du défi du Vide... Le jeu vaut amplement son prix.
👍 : 66 |
😃 : 9