Temps de jeu:
944 minutes
Bon, avertissements d'abord : c'est un jeu avec du contenu pornographique et des cadavres démembrés, qui n'hésite pas à exhiber et sexualiser ses victimes. Ça traite de sujets graves et ça le fait rarement avec la délicatesse nécessaire. Si c'est pas votre came, soyez prévenus. C'est pas trop la mienne non plus, j'ai toujours été plus "meurtre en chambre close" à la Agatha Christie ; et pourtant.
On suit Reiji, un détective privé dans le Tokyo d'après-guerre, qui se retrouve aux trousses d'un serial killer plutôt vicieux. Les meurtres semblent tourner autour d'une académie pour jeunes filles, où étudie Toko, une graine de "femme fatale" qui a sa propre requête à faire à Reiji ; et bien entendu cette affaire n'est pas sans en rappeler une autre dans le passé sombre du détective...
C'est du thriller glauque, où l'on alterne entre la progression de l'enquête déroulée de façon minutieuse jour après jour, et des scènes plus légères avec Reiji et son entourage. L'ambiance polar est là, bien posée grâce à la narration et à la période historique choisie (pas de téléphones portables, pas de tests ADN, ...) La partie enquête est gérée grâce à un carnet de notes qui se met à jour selon les indices récoltés, en plus de fournir quelques informations utiles comme la liste des suspects, une carte de la ville, etc. Il y a quelques scènes de crimes à examiner et des phases de déduction où le jeu vous demande de pointer du doigt le bon indice. Ces décisions peuvent être cruciales ; accuser quelqu'un à tort risque de vous amener à une fin prématurée... ou vous laisser continuer l'enquête après avoir causé la mort de plusieurs personnes. Le récit est très réactif à vos choix, c'est plutôt bluffant de voir toutes les variations qui sont prises en compte. La contrepartie de ça, c'est qu'il est facile de louper certains éléments et de se retrouver coincé sur une bad ending ; pire encore, une fois qu'on a atteint la conclusion de l'histoire... et que les crédits n'apparaissent pas, car on a échoué à débloquer une des "vraies" fins, sans la moindre indication pointant vers le choix responsable. La consultation d'une soluce est plus que recommandée, mais les guides existants ne sont pas forcément très clairs. Cette Let's Play m'est pas mal venue en aide lors de la lecture : https://brokenforum.com/index.php?threads/we-are-the-chick-the-world-is-our-egg-lets-play-kara-no-shoujo.3459
Autre point notable, la grande quantité de personnages rencontrés au fil de l'histoire, mais surtout la façon dont ils sont utilisés. Le "temps d'écran" est très bien équilibré entre tout le monde, ce qui fonctionne particulièrement pour une histoire de détective afin de multiplier les fausses pistes. Une personne va être présentée dans une scène, revenir deux ou trois fois, puis vous allez commencer à l'oublier alors que votre attention va être dirigée ailleurs... jusqu'à ce qu'elle revienne plusieurs heures après, avec une révélation surprenante. Et c'est le cas pour tous : coupables ou innocents, ils ont tous leur rôle à jouer dans l'intrigue ; au point de toucher au ridicule vers la fin, hélas. Pour qu'une intrigue aux multiples mystères soit réussie, ils faut que les réponses soient à la hauteur des attentes, et malheureusement celles-ci se perdent dans une avalanche de plot twists peu convaincants à force de vouloir relier tous les participants entre eux. C'est vraiment dommage que certains aspects de l'univers soient progressivement négligés en faveur de cette toile de nœuds abracadabrantesque que le jeu essaie de tisser en guise de clôture.
Pour ce qui est des scènes pornographiques, c'est assez étrange. Il y en a peu et elles n'ont pas grand chose à voir avec la trame principale ; c'est même quasiment impossible de débloquer la plupart d'entre elles sans suivre un guide étape par étape. Pour autant, les scènes qui existent sont d'un goût douteux et ne peuvent pas être désactivées dans les options, donc le bouton Skip sera votre ami.
Malgré mes réserves sur sa conclusion, Kara no Shoujo est un de ces jeux qui me rend triste que les grands classiques du visual novel aient encore aujourd'hui du mal à se faire un nom hors du Japon. Certains des personnages du jeu viennent en fait d'un jeu précédent du studio Innocent Grey ; il y a tout un univers connecté assez riche, bâti au fil de différents jeux. Je repense à 428 Shibuya Scramble, qui avait lui aussi des références aux jeux précédents de Spike Chunsoft... Il y a un vaste pan de l'histoire du jeu vidéo qui concerne les visual novel japonais des années 80 et 90, qui est toujours trop méconnue. Kara no Shoujo ne date que de 2008, mais c'est un très bon exemple de ce que les VNs ancrés dans les standards du genre ont encore à apporter en terme d'idées et de structure narrative.
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