Temps de jeu:
1423 minutes
Quelle libération de venir enfin à bout de [i]Proverbs[/i]. Ce furent de longues heures de solitude, perdu dans un méandre de chiffres et de cases colorées. L'excitation de la découverte a peu à peu laissé place à un travail besogneux, rébarbatif et dénué d'intérêt. Un contrat passé avec le jeu où aucune échappatoire n'est possible. Dès lors que vous peindrez le premier pixel de cette fresque de 54 000 cases, vous tomberez inéluctablement dans un vortex qui vous fera perdre la notion de l'espace et du temps.
« [i]Proverbs est un hybride de picross et démineur...[/i] » : ce sont les premiers mots de la courte description qu'on voit apparaître sur la page du jeu. Certes, nous sommes assez proches d’un démineur – débarrassé de ses bombes –, néanmoins, nous sommes très loin d’un picross, car l’agencement des deux couleurs ne forme rien de reconnaissable. C’est une mélasse de pixels orange et pourpre qui ne représente rien, alors que c’est pourtant toute la magie du picross : voir apparaître soudainement une forme familière. Ici, une fois la région complétée, le patchwork laisse place à un morceau du tableau. Ensuite, à vous de choisir la nouvelle région à attaquer, jusqu’à la complétion totale de cette grille colossale.
La carotte réside dans la découverte de proverbes néerlandais tirés de l’œuvre [i]Netherlandish Proverbs[/i] du célèbre peintre flamand du XVIe siècle, [i]Pieter Brueghel l’Ancien[/i]. Je dois dire que c’est une jolie découverte. Dès lors qu’on complète certaines régions, un proverbe tiré du tableau nous est révélé. Ils sont atypiques, cocasses, voire saugrenus, et sont accompagnés de l’illustration d’origine : du pain béni pour les yeux, pour peu qu’on soit sensible à cette école flamande, et surtout, elles sont beaucoup plus lisible que la bouillie de pixels qui est censée illustrer, au hasard, deux popotins déféquant du haut d’une fenêtre. De loin mon préféré.
Aussi, il y a des régions qui ne révèlent rien – ce qui est le cas pour la moitié d’entre elles, soit dit en passant. Il n’y a rien de plus frustrant que de venir à bout de plus de 700 cases pour ne finalement voir apparaître qu’un aplat grisâtre. Le pompon survient lorsque vous vous apprêtez à remplir la dernière case du tableau. Sans divulgâcher d'aucune façon : après avoir passé plus d’une vingtaine d’heures à compléter des grilles, il m’aurait semblé fort courtois de nous permettre de jongler entre le tableau ainsi complété – pixélisé et dégradé pour les besoins du jeu – et le vrai tableau de maître, afin d’observer en détail ce sur quoi on travaille depuis bien trop longtemps. À la place, la récompense finale fait office de prout disgracieux dont je me serais bien passé.
Si vous avez un sérieux problème de complétionnite aiguë, prenez garde. Autrement, si vous êtes du genre à enchaîner les mots fléchés et les sudokus dans votre rocking chair, c’est peut-être la meilleure chose qui puisse vous arriver.
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