Avis sur NORSK: Epistle

[b]Le clou de la visite.[/b] D'aucuns rêvent de plages de sable fin que viennent lécher des vagues indolentes tandis qu'ils sirotent un cocktail rafraîchissant à l'ombre d'un palmier. Moi, je fantasme plutôt sur les expéditions polaires, les randonnées à travers la toundra qui semble s'étendre à l'infini et l'exploration dans les profondeurs de la taïga sibérienne. Remarquant que ce jeu annonçait des puzzles dans une ville sibérienne abandonnée, je n'ai pas trop hésité avant de l'acheter tellement j'étais curieux de découvrir ce qu'il proposait exactement. Une nuit de pleine lune, seul sur la berge d'une rivière en partie gelée, nous jetons un regard rapide sur une carcasse de voiture, une mallette vide et des traces de sang au sol, uniques indices d'un mystère qui ne sera jamais élucidé. Au-delà des collines, on distingue quelques signes de civilisation à travers les flocons et peut-être entendrions-nous une activité humaine si le vent ne soufflait pas si fort. Plus loin, un panneau où il est écrit "HOPCK" nous indique le nom de la ville dans laquelle nous nous apprêtons à pénétrer : Norsk. Oui, on sait décrypter l'alphabet cyrillique. Le nom évoque immanquablement le Grand Nord, forcément la Norvège aussi, mais nous sommes bien en Sibérie et j'ai naturellement immédiatement pensé à Norilsk. Il est rapidement évident que c'est cette fameuse ville qui a inspiré le développeur russe du jeu, Alexander Belik, apparemment basé à St-Petersbourg. D'entrée, l'ambiance est vraiment réussie, d'autant plus que l'OST contribue à augmenter l'aspect intrigant, et c'est vraiment le premier point fort du jeu. L'aventure comporte 6 chapitres, chacun introduisant un nouvel élément important de gameplay. Lors du premier, l'ambiance prend le temps de s'installer et on s'occupe avec un puzzle relativement classique avant de parvenir en ville. Dans le deuxième, on commence à explorer la ville et on apprend à utiliser un pistolet à clou de manière assez inédite. Le troisième nous entraîne dans les égouts et dans un monde parallèle. Il faut ensuite concilier dans le quatrième l'usage de la cloueuse et les passages dans le 2ème monde. On doit multiplier les manipulations rébarbatives dans une ambiance moins attractive pendant le cinquième qui est vraiment bien moins réussi. Enfin, le dernier est le plus court et offre une fin qui semble carrément bâclée. J'ai aimé l'idée de devoir planter des clous pour servir de relais à un flux d'énergie. Il faut dans un premier temps simplement trouver les éléments de l'environnement à connecter et activer. Mais ça se complique ensuite quand il faut trouver le moyen de faire passer le rayon, puis un second, tels d'indispensables fils d'Ariane, là où ça semble à priori impossible. Moins surprenante, la possibilité d'évoluer dans une version alternative du monde est néanmoins plutôt bien exploitée, par exemple franchir des passages dans une réalité plutôt que l'autre ou réaliser une action qui a des répercussions dans l'autre dimension. Le défaut le plus problématique du jeu est probablement que la sauvegarde est non seulement uniquement automatique mais aussi qu'elle n'existe (presque) qu'au début de chacun des 6 niveaux. Ce qui est regrettable, c'est que la nature même du jeu (aucune information explicite n'est jamais fournie) invite justement à expérimenter mais qu'on risque toujours de déclencher des game over souvent brutaux et punitifs qui renvoient parfois sans prévenir au début d'un niveau qu'on a peut-être mis pas mal de temps à traverser si on a peiné à trouver immédiatement comment progresser. Il existe néanmoins quelques fois des checkpoints supplémentaires, notamment en cas d'échec dans une séquence d'adresse, qui permet de recommencer à proximité immédiate. En revanche, si on décide de quitter le jeu en cours de partie, il faudra immanquablement repartir au début du niveau, ce qui est particulièrement énervant quand on est bloqué quelque part et qu'on risque de tout devoir recommencer plus tard. D'autre part, il aurait été utile dans certaines circonstances de pouvoir utiliser le pistolet à clou avec davantage de précision de loin au lieu de perdre pas mal de temps à multiplier les projectiles hasardeux. Un mot aussi sur la physique fantaisiste des objets (notamment les caisses apparemment remplies d'hélium), l'impossibilité de transporter plusieurs objets à la fois (absence d'inventaire) qui oblige à faire de pénibles aller-retours pour une simple clé qui risque de plus de disparaître définitivement dans le décor si on la laisse malencontreusement tomber à terre, les murs invisibles qui bordent un peu trop le chemin à certains moments et enfin l'atroce bruit de pas. Bref, un jeu de qualité inégale qui se montre aussi bien plaisant (la plupart du temps) qu'un peu pénible (surtout sur la fin) et qui profiterait bien de quelques améliorations pour parfaire l'ensemble. Je retiens surtout l'ambiance post-apo de cette cité à l'abandon et le gameplay avec le pistolet à clous qui allie créativité et réflexion. Enfin, il faut absolument souligner le prix minuscule qui correspond véritablement à une excellente affaire, surtout si on considère que beaucoup de jeux semblables coûtent 5 à 7 fois plus cher à leur sortie. Je recommande. C'est pour vous si vous êtes sensible à ce genre d'ambiance et que vous n'avez rien contre les puzzle games qui nécessitent un minimum d'action et d'agilité. C'est pas pour vous si le gris vous déprime et que les seuls clous qui vous intéressent sont les clous de girofle.