Avis sur Au fil de l'eau

[b]A l'eau, non mais à l'eau.[/b] Quand on consulte la fiche d'[i]Au fil de l'eau[/i], on imagine une délicieuse promenade en se laissant porter par le courant d'une rivière indolente mais quand on lance le jeu, on a l'insolite surprise de découvrir qu'il se présente en fait sous le titre [i]Sur le fil de l'eau[/i]. Et effectivement, l'impression qu'il donne demeure constamment sur le fil entre l'approbation polie et la légère déception, le sentiment d'un projet pas assez abouti ou l'impression que son message est plus accessible par l'émotion que l'analyse. Court walk sim d'une durée d'une heure qui a le mérite d'éviter de tomber dans les travers auxquels cèdent certains développeurs paresseux qui adoptent ce genre par facilité. C'est une oeuvre conceptuelle et expérimentale à rapprocher de certaines productions de David Szymanski ou de Tale of Tales. Le travail sur l'ambiance prend ici le dessus sur l'élaboration d'un scénario palpitant, la démarche artistique l'emporte sur des considérations explicites. Le film français "[i]Comme un avion[/i]" de et avec Bruno Podalydès est cité comme principale inspiration de ce jeu par son développeur Samson Auroux. On retrouve en effet vaguement ici la trame de l'histoire du film dans la succession de différentes scènes évoquant un personnage en recherche d'un peu d'évasion qui entreprend de descendre une rivière en kayak (entre nous, je crois que c'est en fait un canoë car il utilise une pagaie simple). Dans cette nouvelle version de l'expédition, le héros n'aura pas la possibilité d'entrer en relation avec Sandrine Kiberlain, Agnès Jaoui ou Vimala Pons, ce qui est naturellement bien dommage mais je ne suis clairement pas objectif à ce sujet-là. Les situations s'enchaînent en fait sans véritablement fournir des éléments permettant de donner sens à la quête entreprise et on doit surtout se contenter de faire ce qu'il est possible de faire, de suivre simplement [i]le fil d'Ariane[/i]. Il m'a manqué du contenu pour étoffer l'expérience et que l'aventure me transmette quelque chose de profondément marquant. Le jeu séduit par contre par sa Direction Artistique. Des graphismes plein de style pour des environnements remplis de couleurs et surtout une très créative mise en scène style BD qui multiplie les cadrages originaux. Une musique agréable mais curieusement totalement absente dans des parties entières du jeu. Les quelques consignes et les rares dialogues apparaissent sous une forme visuelle, sans jamais aucun mot. L'ambiance est globalement réussie. Le jeu regorge de beaucoup de bonnes idées créatives mais malheureusement pas toujours bien réalisées ou au prix de maladresses de gameplay, ce qui donne inutilement [i]du fil à retordre[/i] au joueur. La souris permet de manipuler la caméra et ça se révèle souvent essentiel pour pouvoir faire évoluer notre apprenti kayakiste de la meilleure manière. Cette fonctionnalité est cependant désactivée lors de certaines séquences, ou limitées à de faibles mouvements insignifiants, ce qui peut amener à oublier d'employer sa souris quand c'est nécessaire. Le personnage principal, dont l'apparence m'a curieusement immédiatement fait penser au héros du [i]Alone in the Dark[/i] de 1992, qu'on contrôle avec les habituelles touches du clavier peut marcher, courir, nager, récupérer des objets, dialoguer avec des pnj, conduire sa voiture et déplacer son kayak en le tirant ou en pagayant. Les déplacements s'avèrent un peu pénibles, surtout durant les scènes à l'intérieur au début du jeu quand on est seul dans l'obscurité, mais il faut rarement chercher longtemps pour repérer où des interactions sont possibles. Ces actions sont évidemment la plupart du temps centrales dans la progression mais sont parfois plus anecdotiques dans les étonnantes séquences de transition La part la plus importante du jeu est consacré à la randonnée en kayak. Il faut vaguement éviter quelques rochers et franchir sans difficulté des rapides. L'impression d'une apparente liberté d'exploration nous est donnée mais si on s'éloigne trop de la rivière en déambulant sur les rives, des murs invisibles nous rappellent rapidement qu'on a un [i]fil à la patte[/i] qui nous impose de rester sur le chemin imposé et tout juste peut-on choisir entre divers embranchements du cours d'eau qui arrivent tôt ou tard tous au même endroit. J'aurais bien-sûr aimé être invité plus souvent à accoster pour aller me perdre dans la forêt en cherchant mon chemin loin de l'eau, peut-être même être récompensé de ma curiosité par des événements permettant d'enrichir la narration, de renseigner davantage sur le background ou d'avoir accès aux pensées profondes du perso mais ce n'est pas un jeu de survie en open world qui nous est ici proposé. Les étapes lors desquelles on va rencontrer des pnj et passer la nuit nous sont imposées. Les maisons sont juste là pour faire joli et quelques-unes ont des murs qu'on peut traverser, comme certains autres éléments du décor. Comme raconte la chanson, [i]Au fil de l'eau[/i] est une évocation d'un bateau qui dérive sans but et sans mobile, une façon de s'accorder une parenthèse, un sursis. Une tentative d'évasion d'un quotidien routinier pour retrouver le temps d'une promenade la liberté de l'insouciance et le bonheur simple de savourer l'instant présent. L'expérience ne séduira clairement pas tout le monde mais c'est aussi à chacun de savoir se l'approprier à sa façon, de s'accorder un instant de méditation sur sa propre existence, d'accepter de lâcher prise face au ruissellement des émotions. C'est pour vous si vous cherchez une balade tranquille. Si vous cherchez une simulation de kayak, surveillez plutôt la sortie imminente de [i]Down the River[/i].